Interviews

RammWiki a eu l'occasion d'interviewer Carl-Michael Herlöfsson et Ronald Prent, qui ont respectivement coproduit (avec Jacob Hellner) et mixé Herzeleid. Un grand merci à eux de nous avoir accordé leur temps !

Ronald Prent
Ronald Prent

Responsable du mixage

Interview avec Carl-Michael Herlöfsson

Nous avons débuté notre célébration de l'anniversaire d'Herzeleid avec une interview de Carl-Michael Herlöfsson. Nous avons eu la chance de faire un appel Zoom avec Carl, qui a eu la gentillesse de répondre à nos questions, et nous donner un aperçu du travail qui a contribué à la réalisation de l'album.
Pour ceux d'entre vous qui ne savent pas ce que Carl a à voir avec l'album, Herzeleid a été produit par BomKrash. BomKrash était composé de Jacob Hellner et de Carl-Michel Herlöfsson. En tant que co-producteur de l'album, nous avons donc pensé que l'interview serait un bon moyen d'obtenir des informations sur le déroulement de l'enregistrement.

RammWiki :Bonjour M. Herlöfsson, et merci beaucoup pour l'occasion que vous nous donnez de célébrer l'album Herzeleid. Pour commencer, je pense que ce serait formidable si vous pouviez vous présenter, expliquer votre parcours dans l'industrie de la musique et comment vous avez travaillé avec Rammstein. Les fans connaissent bien Jacob Hellner, ce serait donc un bon moyen d'en savoir plus sur vous.

Carl : Bien sûr. À la fin des années 70, j'ai joué dans différents groupes punk à Stockholm. J'ai fait un bref passage dans l'enseignement de l'informatique vers 1980, ce qui ressemblait aux premiers cours de programmation pour des logiciels basiques, puis j'ai décidé que je voulais me lancer dans la production musicale. Je suis donc parti aux États-Unis, et je suis allé dans une université à San Francisco, le College For Recording Arts où j'ai obtenu un diplôme d'ingénieur du son et de production musicale. Je suis resté à San Francisco de 1982 à 1987 et j'ai participé aux premiers tubes du hip-hop crossover. J'ai également mixé le tout premier album de Melvins (Gluey Porch Treatments, sorti en 1987, ndlr). J'ai travaillé au studio Starlight, près de San Francisco, à Richmond. Ça allait des femmes jouant du violoncelle aux groupes de hip-hop locaux.

La raison pour laquelle je suis resté à San Francisco est la troisième session de mixage que j'ai faite. Je travaillais comme ingénieur assistant, ce qui consistait principalement à faire du café et à nettoyer les toilettes pendant six mois, puis l'ingénieur principal m'a dit vers la période de Noël : Je ne peux pas faire cette session de midi à 8h, tu peux me remplacer ? Trois mois plus tard, la chanson s'est révélée être un énorme succès aux États-Unis. Je l'avais enregistrée et mixée. Je suis donc devenu le type qui a fait CETTE chanson. La chanson était Rumours de Timex Social Club. C'était l'une des premières chansons hip-hop/pop crossover aux États-Unis, et les gens venaient de partout et voulaient avoir le même son, c'est pourquoi je suis resté là-bas pendant un certain temps.

En réalité, j'ai travaillé avec Jacob aux États-Unis. Ils nous appelaient les Suédois sauvages. En 1987, nous sommes retournés en Suède, où nous avons créé notre société de production BomKrash Productions. Nous avons produit un certain nombre d'albums et fait des centaines de remixes. J'ai également amené le hip-hop en Suède et je me suis impliqué dans les tout premiers balbutiements de la scène hip-hop suédoise. Cela a en quelque sorte mené au point où nous avons rencontré Rammstein pour la première fois.

Depuis lors, je dirige une maison de disques, une maison d'édition, quelques studios, j'ai produit et mixé des centaines et des centaines d'albums. J'ai écrit des musiques de film, des musiques de publicité et maintenant, depuis sept ans, je dirige une société appelée Modelizer, qui est une start-up dans le domaine des technologies musicales. J'y ai déposé un brevet pour une toute nouvelle façon de jouer de la musique. Un nouveau format de musique pour l'avenir.

Ça a l'air plutôt cool. Maintenant, les gens ont une image clair de ce que vous avez fait et de ce que vous faites. Alors, parlons de Rammstein : vous souvenez-vous de la première fois où vous avez entendu parler du groupe ? Qu'en avez-vous pensé ?

En fait, je m'en souviens très bien. À l'époque, Jacob était engagé avec Clawfinger. À peu près à cette époque, nous avons commencé à faire des productions de manière séparée. Jacob était donc avec Clawfinger, et je produisais un groupe appelé Amen. Après avoir terminé l'album de Clawfinger, il m'a appelé pour me dire qu'il avait reçu une cassette d'Allemagne, à cause du fait qu'il travaillait avec Clawfinger, et qu'il ne savait pas vraiment quoi en faire. Il ne parlait pas allemand, mais il pensait que c'était vraiment cool. Il m'a donc demandé si nous pouvions en parler ensemble. Je suis donc allé le voir en voiture, pour qu'on puisse l'écouter dans la voiture. Il a sorti la cassette et elle avait une couverture en noir et blanc. Ils avaient déjà une idée claire de l'image qu'ils voulaient renvoyer.

Nous avons écouté la cassette, et nous avons tous les deux pensé que c'était vraiment, vraiment cool. C'était quelque chose que vous n'aviez jamais vraiment entendu auparavant. Nous ne pouvions pas comprendre un seul mot, ce qu'ils disaient. Nous avons aussi pensé que ça pouvait être piégeux, puisque nous ne savions pas de quoi parlaient les paroles, mais nous voulions vraiment nous embarquer avec eux d'une manière ou d'une autre.

Nous avons donc demandé à un de nos amis, qui est un concepteur de micros haut de gamme d'origine allemande. Nous lui avons envoyé la cassette et il a traduit les paroles pour nous en suédois. Il nous a expliqué que c'était une sorte de vieux style de poésie allemande. Il a traduit ce dont il s'agissait, nous a appelés et nous avons pensé OK, ça va. On est à l'abri de ça. C'est la première fois que je les ai entendus, et à partir de là, tout a commencé. Nous avons compris qu'il y avait un gros potentiel pour le premier album d'un groupe allemand, c'est pourquoi nous avons décidé de joindre nos forces et de travailler à nouveau ensemble. C'était le point de départ pour moi.

Malheureusement, il n'y a pas beaucoup d'informations sur l'enregistrement de l'album lui-même. Pouvez-vous nous faire part de quelques informations à ce sujet ?

Je peux en fait vous donner une explication étape par étape sur la façon dont cela s'est passé. Nous avons d'abord passé en revue toutes les chansons, celles de la cassette, et nous en avons ensuite obtenu d'autres. Ensuite, nous avons réservé un vol et sommes restés à Berlin pendant environ trois semaines. C'était deux ou trois ans après la chute du mur. C'était un état très étrange à l'époque. Je veux dire que Berlin-Est était toujours Berlin-Est. Il n'y avait aucune ambiguïté sur où se trouvait le mur. Les magasins ont commencé à être remplis, mais les bâtiment au-dessus du premier étage n'avaient pas été réparés. Tout avait un air de bloc de l'Est. Alors, je suis allé là-bas et nous sommes restés à l'hôtel Berolina, qui était rempli de chauffeurs de camion et de gens très rudes. Le groupe avait un local de répétition dans un sous-sol, je ne me souviens pas où il se trouvait.

Peut-être au club KNAACK ?

Oh, ça me dit quelque chose.

Ils avaient une salle de répétition au sous-sol de celui-ci.

Oui, nous sommes passés par l'arrière-cour, et nous sommes descendus directement. Il y avait plusieurs pièces, et celle qui était la plus éloignée était leur salle de répétition. Ils avaient rassemblé des trucs d'avant la chute du mur, parce qu'ils jouaient dans des groupes avant. Il était difficile de trouver des amplis et des trucs comme ça à cette époque. Ils avaient différentes combines en cours pour essayer d'obtenir de l'argent et acheter du matériel.

C'était une période difficile parce que seulement un ou deux d'entre eux parlaient à peine l'anglais, mais d'une certaine manière, on arrivait à faire avec. Donc, c'était beaucoup de langage des signes et de gestes pour essayer de faire passer des messages. Nous y avons passé beaucoup de temps pour nous préparer. Il y avait beaucoup de samples et d'idées sur la façon de créer le son très strict de Rammstein. Ils m'ont appris un mot à l'époque : ils voulaient que la musique soit amtlich (sérieux ou puissant, ndlr). Ils ont essayé de m'expliquer la signification de ce mot. Je crois que j'ai compris, et la musique devait être en accord avec ça. C'était très important. Ensuite, Jacob et moi sommes retournés à Stockholm pour préparer quelques affaires. Là-bas, nous avons fait les enregistrements de base, comme certaines guitares, la plupart de la batterie et la basse. Nous l'avons fait au Polar Studio, qui était le studio d'ABBA.

Led Zeppelin a également enregistré là-bas, malheureusement il a été démoli. C'était un studio légendaire. Je pense que nous y avons passé environ deux semaines à enregistrer et à faire beaucoup de travail informatique pour l'échantillonnage des guitares et des sons. Pour égaler leur jeu live afin d'obtenir un certain son, nous voulions ce mur de guitares, très serré et strict.

Une séance de guitare typique avec Rammstein serait un type qui installe son amplificateur et sa guitare, se prépare en buvant une Schützenschnaps (un shot de Tequila, ce qui reste encore un rituel avant chaque concert, comme on peut le voir sur le DVD de Völkerball). Ensuite, nous sommes allés à notre studio, où nous avons fait des enregistrements supplémentaires. La plupart du travail électronique, des samples, des overdubs de guitare et surtout la voix. En fait, c'est Jacob qui a travaillé en étroite collaboration avec Till pour les voix. J'étais plus impliqué dans l'électronique et la programmation. La plupart des choses ont été enregistrées dans ces deux studios. Nous avons peut-être enregistré dans d'autres endroits, je ne m'en souviens pas. Mais c'était des choses secondaires.

Pour un fan, il est toujours intéressant de connaître ce que le groupe n'a pas sorti. Nous avons connaissance d'une cassette promotionnelle qui comprend des mixes bruts et sur laquelle figure la chanson Feuerräder.

Je ne me souviens pas exactement de la chanson, mais ça me rappelle quelque chose quand tu dis le nom.

Quand nous avons fini l'album, nous avons commencé à le mixer à Stockholm. Dans un autre studio, appelé MFG, et nous nous sommes en quelque sorte heurtés à un mur. Nous n'avons pas pu trouver le son que nous voulions dans cet environnement de mixage. Alors, il y a eu une sorte de pause pendant un petit moment, mais nous avons fait un tas de mixages. L'un d'entre eux pourrait se trouver sur cette cassette promotionnelle, je ne sais pas. Mais ensuite, il a fini par être mixé aux Pays-Bas (à Hambourg, en Allemagne en réalité, ndlr). À ce moment-là, je n'ai pas vraiment continué, alors Jacob a fait les mixages avec l'autre gars (Ronald Prent, ndlr). J'étais occupé à d'autres choses. Donc, après les mixages, ma contribution à l'album se termine.

Donc, le premier mix qui a été rejeté a été fait par Jacob et vous ou seulement Jacob ?

Non, c'était moi et Jacob. Un autre type, Stefan Glaumann, est venu plus tard pour mixer un tas de leurs trucs, mais ce n'était pas vraiment un cas de rejet. C'était plutôt nous qui essayions de trouver quelque chose, et nous étions tous d'accord sur le fait que nous ne l'avions pas trouvé. Tout le monde était d'accord sur ce que nous voulions faire. L'objectif était à peu près fixé dès le départ. Il devrait être ce qu'il est finalement devenu : un disque d'amtlich vraiment hardcore.

On dit que Richard était le seul membre du groupe à être présent pendant le mixage, mais il n'était pas satisfait de ce qu'il entendait, alors il a appelé tous les autres membres du groupe, et ils ont décidé de laisser Ronald Prent faire le mixage.

Je n'étais pas là pour ce processus. Nous avons fait un tas de choses, mais nous avons tous senti que nous n'étions pas vraiment sur le coup. Ça a bien tourné, c'est ce qui est important. Il ne s'agit pas de savoir qui a fait quoi dans ce contexte, il s'agit plutôt de savoir si nous obtenons ce que nous voulons. Ronald Prent a fait un travail magnifique avec l'album. J'adore le son de l'album, et avec le mixage, nous avons passé six mois, donc c'était bien d'avoir une nouvelle paire d'oreilles pour l'écouter.

Pendant l'enregistrement, y a-t-il eu des moments qui méritent d'être mentionnés ? Des choses amusantes ou même des choses qui vous ont mis en colère contre le groupe ?

Nous avons eu des choses vraiment intéressantes quand nous répétions à Berlin. Ils se disputaient assez souvent. Ils criaient assez fort, en allemand, et nous n'avions aucune idée de ce qui se passait. Mais celui qui était le plus en colère allait à côté, où ils avaient un punching-ball. Après qu'il soit sorti, tout était redevenu calme et ils ont commencé à reprendre leur travail.

Je me souviens d'une autre histoire intéressante. Il y a le vers Der Wahnsinn dans la chanson Du riechst so gut. Nous travaillions dans notre propre studio à cette époque. Nous en discutions et nous voulions que ça sonne comme si ça passait à travers un téléphone. C'était bien avant les téléphones portables. Nous pouvions juste le filtrer mais ça devait être un vrai téléphone. Donc un des gars a été envoyé à la station de métro locale pour utiliser une cabine téléphonique et appeler le studio. C'était au milieu de l'hiver et il n'a presque pas mis de vêtements, il portait juste un t-shirt blanc, des bretelles, des bottes et comme un pantalon court. Il s'est donc rendu à la station de métro, a appelé le studio et nous avons mis le micro pour l'enregistrer. Il disait Der Wahnsinn, et nous disions Non, non, plus fort !. Puis il a commencé à crier DER WAHNSINN et nous suggérions toujours des choses pour améliorer un peu. Ça a duré trois ou quatre minutes comme ça. Puis soudain, l'appel s'est arrêté. Il a mis du temps à revenir, mais quand il a fini par le faire, il nous a dit qu'un type assis dans la station avait appelé les flics. Il y a un fou qui se tient ici sans vêtements, en plein hiver, qui hurle en allemand. Il a l'air vraiment étrange. Mais à part ça, les enregistrements étaient très sérieux. On avait l'impression qu'il y avait beaucoup de choses qui dépendaient de ce qu'ils faisaient.

Avez-vous déjà vu le groupe en concert ?

En fait, je ne les ai vus qu'une seule fois. Je ne me souviens pas de l'année exacte, mais c'était à Stockholm, et c'était bien après mon travail avec eux. Jacob m'a dit qu'ils venaient en ville, et qu'il allait les voir. J'ai été époustouflé. Ce n'était pas encore au niveau de maintenant, mais on pouvait en quelque sorte voir où ils allaient. C'était à l'époque où ils avaient cet énorme logo Rammstein en métal, qui est tombé pendant un concert (l'accident pendant Heirate mich sur la VHS Life).

C'est une combinaison étrange entre quelque chose d'amusant, mais quand même extrêmement sérieux et sincère, en en connaisant l'origine. On ne peut pas vraiment s'en défaire. Les gens voient ça comme un spectacle ou un cirque, mais c'est bien réel. Je pense que c'est vraiment, vraiment cool. Je connais beaucoup de gens dans le métier et en dehors, qui les ont vus pendant des années, et tout le monde a la même réaction : être époustouflé. C'est une expérience unique de les voir en direct.

En fait, je suis passé au studio quand ils ont monté ce truc live, le film. Jacob a travaillé dessus, et je l'ai vu dans un cinéma. C'est un truc vraiment cool. Je pense que c'était proche de capturer l'ambiance et de lui donner un autre niveau, une autre dimension. C'est l'expérience que j'ai vécue. J'ai même eu des billets pour aller les voir cet été.

Êtes-vous toujours en contact avec le groupe ou suivez-vous leur carrière, et écoutez-vous leur musique ?

Oui, je les suis de près. Ils font partie de mon histoire, et j'ai des albums de platine au mur dans mon studio. Je suis vraiment fasciné par beaucoup de leurs choix et par leur façon de faire les choses. A contre-courant, j'aime beaucoup ce genre de choses. Je suis toujours en contact avec Jacob, donc nous parlons d'eux, mais je n'ai aucun contact avec eux personnellement. J'ai rencontré Till il y a environ 15 ans.

Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de faire cette interview, et pour le temps que vous avez pris pour répondre à toutes ces questions. Cela donne un bon aperçu du travail avec le groupe à l'époque. Merci !

Interview avec Ronald Prent

Notre deuxième interview a été réalisée avec Ronald Prent, qui a mixé l'album à Hambourg.

RammWiki : Tout d'abord, nous tenons à vous remercier à nouveau pour cette interview.

Ronald : Pas de problème, ma vie est un peu chaotique en ces temps de Covid. En fait, je suis très heureux d'être là où je suis, et de pouvoir travailler avec une ligne à haut-débit, avec plusieurs clients dans le monde entier, parce qu'ils ne peuvent pas venir ici. Le problème, c'est qu'ils ont tout le temps de réfléchir et d'écouter, et qu'ils décident tous au même moment de changer quelque chose. J'ai jonglé avec trois clients ces trois derniers jours. Ca donne ça : Client : Vous pouvez changer ça ? Prent : Oui, bien sûr.. Je le fais, puis le client suivant vient et dit J'ai écouté, pouvez-vous faire ça ?. C'est une façon différente de travailler. C'est bien, mais c'est très chaotique.

Vous avez donc encore beaucoup de travail.

Oui, j'ai encore des choses à faire aujourd'hui, mais je pensais avoir un jour de congé.

Nous ne voulons pas vous prendre trop de votre temps. Le premier album (Herzeleid) a 25 ans le mois prochain et nous avons pensé que ce serait une bonne idée de parler avec des gens qui ont travaillé avec le groupe à l'époque ou directement sur l'album, comme vous. Cela permettra aux fans de se faire une idée de la façon dont les choses fonctionnaient à l'époque, de la façon dont l'album a été enregistré et de ce qu'était la vie du groupe à ce moment là. Avant d'aborder tous les sujets liés à Rammstein, pouvez-vous vous présenter afin que les lecteurs puissent mieux vous connaître ? Qu'avez-vous fait dans le passé et que faites-vous maintenant ?

Il y a un an, j'ai déménagé des Pays-Bas où j'étais aux studios Wisseloord pendant les dix dernières années, j'étais copropriétaire. Je suis parti avec ma femme Darcy Proper, qui est une ingénieure du son spécialisée en mastérisation ayant remporté plusieurs Grammy Awards. Nous sommes partis pour les États-Unis, elle est de New York. Nous avons déménagé dans le nord de l'État de New York où un de mes anciens clients, Joey DeMaio, le fondateur de Manowar, avait acheté une vieille école avec une église attenante, et voulait y construire un studio. Après avoir construit le studio, nous avons été les seuls en Amérique à être certifiés pour le mixage en Dolby Atmos, Sony 360 et tout autre format disponible actuellement qui gère plus de deux canaux audio. C'est là que je me trouve à présent.

J'ai commencé ma carrière aux Studios Wisseloord à Hilversum, aux Pays-Bas, le 1er mars 1980. J'ai commencé comme assistant ingénieur, puis je suis devenu ingénieur, j'ai commencé à voyager dans le monde entier et j'ai travaillé avec de nombreux groupes de metal. J'ai travaillé en Europe, et quelques fois en Amérique. Au début des années 90, j'ai travaillé aux Galaxy Studios en Belgique jusqu'en 2010, puis je suis rentré aux Pays-Bas. J'ai trouvé les fonds nécessaires pour acheter les studios Wisseloord et les transformer en ce qu'ils sont aujourd'hui, et maintenant je suis en Amérique.

Cela semble être une belle carrière jusqu'à présent. Et maintenant, Rammstein. Aviez-vous entendu parler du groupe avant d'être contacté pour mixer leur album ?

Non, du tout.

Donc, c'était tout nouveau pour vous. Comment avez-vous été contacté, et quelle a été la demande ?

C'est une histoire marrante. J'étais en vacances sur l'île de Crète en Grèce. J'avais laissé un numéro de téléphone à quelqu'un pour qu'on puisse me contacter. C'était l'époque avant les téléphones portables. Je vérifiais tous les deux jours s'il y avait un message pour moi, et un jour, il y en a eu un. Petra Husemann de Motor Music m'avait demandé de rappeler, et j'ai trouvé cela intéressant parce qu'ils ont dû se donner beaucoup de mal pour me trouver. Pour faire court, ils m'ont dit : Nous avons ce groupe, Rammstein, vous devez mixer leur album ! J'ai répondu : D'accord, mais je ne les connais pas vraiment. Ils m'ont dit : Ils sont incroyables, vraiment cool et innovants. De la musique puissante, vous devez absolument la mixer. J'ai dit : D'accord, je vais le faire, mais je suis en vacances. Ils ont dit : C'est bon. Nous allons contacter le producteur. Il est aussi en grèce pendant ses vacances. Après avoir parlé avec le producteur Jacob Hellner, il a dit que le groupe cherchait quelque chose de différent, qu'il n'était pas satisfait du mixage, qu'il cherchait quelqu'un pour relever le défi. Nous nous sommes ensuite rencontrés à Hambourg pour voir si nous pouvions mixer l'album ensemble.

Nous avons entendu dire que le groupe n'était pas satisfait du mixage original. Avez-vous entendu ce mix ?

Non, et pour être honnête, pas seulement avec Rammstein, mais avec la plupart des groupes, si je suis embarqué dans un projet, et qu'ils ont déjà fait quelques mixages, la plupart du temps je ne les écoute pas. Je demande au groupe quelles sont leurs attentes avant de tenter quoi que ce soit. Si vous écoutez ce qu'ils ont déjà fait, ça reste dans votre esprit et devient difficile. Avec quelque chose d'aussi progressif que Rammstein, il faut être ouvert à tout.

Le groupe au complet était-il présent lors du mixage ?

Tout le temps, oui. Ils étaient très présents, mais pas d'une manière qui nous a gêné dans notre travail.

Quelle a été votre première impression sur le groupe ?

Les gens ou la musique ?

Les deux.

J'ai trouvé la musique extrêmement cool. Je n'avais jamais rien entendu de tel auparavant. J'ai vraiment aimé la voix de Till, et je l'aime toujours. La combinaison entre sa façon d'écrire la musique, ses paroles et sa façon de chanter est unique. Quant au groupe, chacun a son propre caractère. Ce sont des gars vraiment sympas. En studio, ils ne sont pas les mêmes que sur scène. Rammstein est leur alter ego. C'est la même chose avec beaucoup d'artistes, ce qui est génial. Ils étaient très unis en tant que groupe dans ce qu'ils aimaient ou n'aimaient pas, ce qui a rendu la mission de trouver le son pour l'album intéressante, compliquée, fascinante et parfois épuisante.

Nous avons passé quelques jours sur la première chanson pour faire connaissance, et pour connaître le son qu'ils recherchaient. Après ce premier mixage, ils écoutaient plusieurs fois, sortaient pour discuter des détails. Nous avions demandé au groupe de faire cela pour que les choses ne deviennent pas trop confuses. Ils revenaient ensuite et nous disaient ce qu'ils pensaient, ce qui est une bonne façon de communiquer. Ils disaient généralement Oui, c'est super, mais ce n'est pas Rammstein. J'ai demandé ce qu'était Rammstein et ils ont dit Nous ne savons pas vraiment, mais ce n'est pas ça. Pouvez-vous essayer autre chose ?. Nous avons pris une autre journée pour essayer une approche différente. Cela fait si longtemps que je ne m'en souviens pas exactement, mais nous avons fait cinq ou sept versions différentes de la même chanson. À chaque mixage, ils disaient : C'est super, mais ce n'est toujours pas Rammstein. Ils m'ont demandé un jour si je pouvais mixer pour que ça ressemble à Bon Jovi. J'ai répondu que ce n'était probablement pas le son qu'ils voulaient, mais ils voulaient quand même essayer. Alors je l'ai fait, et ils ont à nouveau dit que ce n'était pas Rammstein. La plupart du temps, j'étais d'accord avec eux.

À un moment donné, j'ai eu une idée très précise, et je l'ai mise en application pour voir ce qui allait se passer. J'ai tout mixé en utilisant un certain type de compression pour que ça t'arrive directement dans la tête, vraiment brut, puis j'ai ajouté Till par dessus avec un peu de réverb sur son chant, ce qu'il aimait. Le lendemain, ils ont écouté, ils étaient très silencieux et ont demandé à le réécouter avec le chant un peu plus fort. Après une autre écoute, le groupe est parti pour discuter, et Jacob et moi nous sommes dit : Oh, non, quoi encore ? Ils sont revenus et ont dit : C'est Rammstein ! C'est ce que nous voulons être. C'est ce que nous sommes. C'est ce qui est devenu le son Rammstein pour au moins deux ou trois albums. On a mixé ensuite chaque chanson de la même manière, et le groupe écoutait, sortait pour discuter, parfois pendant une heure, revenait, et nous disait ce qu'il voulait changer, et en général il était content.

Le groupe était-il bien préparé lorsqu'il est venu en studio pour mixer ou donnait-il l'impression de ne pas savoir ce qu'il faisait ?

Ils étaient préparés dans un sens où ils étaient très conscients de ce qu'ils ne voulaient pas que le son soit. Quand vous cherchez un son, vous ne savez pas ce qu'il vous faut jusqu'à ce que vous le trouviez, mais vous savez ce que vous ne voulez pas. Ils se réunissaient, expliquaient ce qu'ils voulaient dire, et nous interprétions cela dans le mixage. Je pense qu'être bien préparé ou non n'a pas vraiment d'importance. Lors des mixages précédents, ils changeaient les choses. Parfois, ils changeaient la façon dont ils jouaient de leur instrument. Flake et Jacob ont programmé d'autres choses au clavier jusqu'à ce qu'ils trouvent le son qu'ils voulaient, mais pour moi c'est normal quand on mixe.

Y a-t-il eu de gros défis à surmonter dans le mixage ou les choses se sont-elles bien passées une fois que vous aviez le son ?

Une fois que nous avons trouvé le son qu'ils ont aimé, ça s'est bien passé. Pour chaque chanson, ils voulaient quelque chose de différent. Nous nous adaptions. Ca ne tombait pas dans le difficile ou l'impossible. Si vous faites écouter à quelqu'un sa musique d'une manière inédite pour lui, il entend alors des choses qui demandent à être adaptées. La partie difficile a été de trouver le son de Rammstein. Cela nous a pris presque sept jours. C'était le défi de ce travail. Ce n'était pas un problème.

Combien de temps a duré le mixage entre le moment où vous avez trouvé le bon son et celui où vous avez dit Nous avons fini, on a l'album ?

Je pense que c'était entre 18 et 20 jours environ. Je me souviens d'avoir été à Hambourg pendant environ trois semaines.

Pour un fan, il est toujours intéressant de savoir quelles sont les chansons que le groupe n'a pas sorties sur l'album. Vous souvenez-vous de chansons qu'ils ont décidé de ne pas mettre sur l'album ?

Non, nous avons mixé tout ce qu'ils ont enregistré, et je ne sais pas ce qui a fini sur l'album. Je n'ai plus rien de tout cela. Je n'ai pas eu le droit de garder des copies, même pas une cassette pour écouter. Ils étaient très regardants sur qui avait quoi. Je n'ai pas de documentation sur ce processus. Tout est resté dans les archives d'Universal.

Pas dans celles qui ont brûlé, j'espère.

Oh, je ne savais pas. Quelque chose a brûlé ?

Oui, il y a eu une archive qui a brûlé quelque part aux États-Unis, avec des milliers de masters, et tout a été détruit.

Tous ce qui concerne Rammstein est soit à Hambourg, soit à Berlin. Je pense que toutes les chansons que nous avons mixées sont sur l'album.

Nous demandons ça parce qu'il y a une cassette promotionnelle qui contient neuf chansons avec des mixages bruts et des mixages finis, et qu'il y a une chanson appelée Feuerräder qui ne figure pas sur l'album. L'ont-ils réenregistré ou s'agit-il d'une démo de l'année précédente ? Nous n'avons jamais entendu cette version spécifique, donc nous ne savons pas.

Pour être honnête, je ne sais pas non plus. Je pense que le seul qui le saurait est Jacob.

Nous lui avons demandé s'il était disponible, mais il a refusé parce qu'il donnait déjà une interview au label pour le management. Malheureusement, nous n'avons pas la possibilité de lui demander.

Vraiment?

Nous avons également interviewé Carl-Michael Herlöfsson, qui n'a pas été approché. Nous allons voir si quelque chose sort ou non.

Le seul qui saurait vraiment est Jacob. C'est lui qui a toujours été là. Les idées de chansons que le groupe avait, il les a structurées. Je pense que le mérite de Jacob pour les deux premiers albums est qu'il a fait de toutes leurs chansons de très bons morceaux. Un groupe peut écrire de grandes chansons, mais il a besoin d'un grand producteur.

Il a donc fait des arrangements de chansons ?

Je pense que oui, je me trompe peut-être, mais c'est mon impression. C'est le mariage solide entre le groupe et Jacob. Ils arrivent avec du bon matos. Rammstein écrit les chansons, et Jacob met tout en place.

Eh bien, vous avez déjà répondu à certaines des questions que nous voulions poser, c'est super. Comment vous entendiez-vous avec le groupe ? Y avait-il un lien fort ou une distance de travail ?

Un peu des deux. Je les ai tous appréciés. J'admire leur musicalité. En studio, ce sont juste des gars normaux comme nous qui veulent rendre leur musique géniale. Toutes leurs idées et leurs opinions sont précieuses et ils prennent jamais rien personnellement.

Till est un écrivain, un pyrotechnicien diplômé, un grand chanteur, et il écrit de superbes paroles. Le batteur joue de façon si spéciale. On appelait parfois Flake Professeur parce qu'il avait tellement d'idées. Les deux guitaristes, ils sont géniaux parce qu'ils jouent vraiment ce qu'il y a sur le disque.

Dernière chose, y a-t-il des histoires amusantes ou quelque chose qui vous a impressionné pendant le mixage ?

Je pense que ça doit rester à l'intérieur du groupe. Ils peuvent décider s'ils veulent partager cela avec le monde ou non. Je ne me souviens pas de mauvaises choses, juste que c'était beaucoup de travail pour obtenir le son de Rammstein, mais j'ai aimé ce défi.

Nous comprenons. C'est à peu près tout. Merci encore d'avoir pris le temps de nous répondre.

Pas de problème. Vous documentez l'histoire.

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